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Valérie Buffetaud : clôture du festival 2011.

 
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Performance aux Cordeliers (été 2011).

performance dessin : une création de Valérie Buffetaud sur l'oeuvre de Michaël Jarrell "Assonance IV b,pour cor" (copyright 2009 by Editions Henry Lemoine) avec Olivier Darbellay (cor).

Un film de Xavier Claessens.

 
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Performance (2) aux Cordeliers (été 2011).

" Ombres et lumières " , une performance picturale de Valérie Buffetaud, improvisations musicales avec Pierre-Olivier Queyras (violon), Michaël Jarrell (piano), Olivier Darbellay (cor), Joe Carver (contrebasse).

Un film de Xavier Claessens.

 

 « Suivez le chef ... » (2013)

 Dans son émission « Suivez le chef » rediffusée le vendredi 30 août sur France Musique, Stéphane Grant interrogeait Yannick Nézet-Séguin, jeune chef québécois qualifié par « The Independant » comme « étant certainement le talent le plus extraordinaire de sa génération ».

Probablement un très grand chef à venir.

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 Il est actuellement :

            Directeur musical de l’orchestre de Philadelphie.

            Directeur musical de l’orchestre Philharmonique de Rotterdam.

            Chef invité du Philharmonique de Londres.

            Directeur artistique et chef principal de l’orchestre de Montréal.

 Jean-Guihen a joué sous sa direction avec l’orchestre de Rotterdam pour une tournée en Chine en juin dernier. Il a été totalement enthousiasmé par cette collaboration avec lui.

 Dans cette émission « Suivez le chef... » Yannick, dans son langage québécois, déclarait :

« Il est important pour le public de sentir que les musiciens et les chefs sont des gens humains, qui ont des émotions, des états d’âme, une histoire, des embûches, des succès et c’est là peut-être la ligne assez délicate. En même temps, c’est important de montrer à ce public que même si on est des humains comme tout le monde,‘ça prend des attitudes quand même assez spéciales’ pour faire ce qu’on fait. Mais je suis d’avis qu’on va montrer à quel point que ce qu’on fait encore plus lorsque les gens peuvent goûter un petit peu à ce qu’on fait en disant : « Mon Dieu, il y a tout ça derrière... », des répétitions ouvertes, des ateliers, etc...

 Autrement dit, c’est utile de montrer au public tout ce qui doit se passer avant un concert : travail, répétitions, discussions, réflexion... pour qu’il puisse prendre conscience que ce qu’on fait est tout de même assez spécial et comporte des exigences assez particulières.

...

Parler au public avant les concerts, c’est important. Parler, c’est se rapprocher des gens, c’est enlever l’aspect coincé de notre monde. Être en silence dans une salle, goûter les œuvres, goûter la ligne de pensée d’un compositeur, d’un chef-d’œuvre, c’est pour ça qu’on demande le silence. Mais, à tort, souvent les gens pensent « Oui, on est là ; noir et blanc, ils font leur truc, ils s’en fichent qu’on soit là ou pas ». Parler, c’est donner un certain lien, ce lien est bien peu de choses, mais il contribue à faire que l’électricité qu’on veut vivre au concert est présente.

 Alors toutes ces choses : parler aux gens, faire plus d’interviews, parler aux media, ouvrir les répétitions, c’est excellent. Quand les gens viennent dans nos salles, il faut qu’ils puissent vivre un grand moment et ça c’est le plus important, faut jamais le perdre de vue. »

 Ces paroles pleines de simple humanité m’ont beaucoup fait penser à ce que depuis 31 ans, nous avons essayé de réaliser aux Rencontres :

 - Faciliter le lien entre le public et les musiciens, montrer à la fois leur côté humain universel et la facette « spéciale » engendrée par les exigences de leur métier de musiciens et leur état d’artistes.

 - Ouvrir les répétitions pour permettre à ceux que ça intéresse de prendre conscience du fait que l’interprétation est le résultat d’un travail minutieux et exigeant musicalement et humainement avec la mise en place d’une vision globale et détaillée d’une œuvre. Le public peut percevoir les musiciens à la fois dans leur métier d’artiste et dans leur comportement humain.

Je me souviens des réticences compréhensibles des musiciens lorsque nous avons suggéré, il y a bien longtemps, que des répétitions puissent devenir publiques. Les musiciens n’avaient pas alors la maturité qu’ils ont acquise aujourd’hui. Il m’a fallu insister et batailler pour en faire accepter le principe dont tout le monde aujourd’hui se félicite.

 - « Il faut parler au public » dit Yannick Nézet-Séguin. Chaque année, je me pose la question : « Est-ce que les présentations que nous assurons, les musiciens et moi, sont utiles, acceptables, intéressantes... » Ce que dit ce chef à ce sujet conforte le choix que nous avons fait, même dans son imperfection. Plusieurs personnes ont exprimé, sous différentes formes et à différentes époques, ce qu’ils ressentent aux Rencontres. Je cite l’une d’entre elles : « Tous les ans nous faisons la différence entre les Rencontres et d’autres festivals auxquels nous assistons. Souvent il manque ce quelque chose que l’on trouve aux Rencontres : cet esprit, cette simplicité, cette joie des musiciens qui se donnent totalement... »

 C’est tout un ensemble : musiciens, bénévoles, public, qui fait que les Rencontres sont ce qu’elles sont et qu’elles continuent de l’être. Continuons à travailler dans ce sens pour que « lorsque les gens viennent dans nos salles, ils puissent vivre un grand moment. »

                                                                                   Jean-François Queyras

 L'acoustique musicale (2013)

Une page d'histoire racontée par Marc Zbinden 

 L'histoire de l'acoustique musicale débute au VIe siècle avant J.-C. avec Pythagore, puis Euclide, qui fondent sur une approche mathématique l'étude des propriétés des sons musicaux. 

La "hauteur" d'un son est caractérisée physiquement par sa fréquence  f  ; "l'intervalle" entre deux sons, perçu comme leur différence de hauteur, est le rapport de leurs fréquences. La fréquence fondamentale de vibration d'une corde tendue dépend de sa longueur L, de sa tension T et de sa masse par unité de longueur µ, et l'on a :

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 La vibration de la même corde, mais de longueur moitié, donne une fréquence double, c'est l'octave, reconnue par l'oreille comme la "même" note mais plus haute. Si l'on prend les 2/3 de la longueur on obtient la quinte dont la fréquence vaut 1,5 fois la fréquence fondamentale. Le rapport des fréquences est inverse de celui des longueurs.

La suite de ces considérations conduit à l'établissement des échelles musicales, tâche complexe à laquelle se sont confrontés au cours de l'histoire musiciens et théoriciens, avec la question délicate du tempérament, visant à obtenir le meilleur accord possible pour les instruments à sons fixes (cas du piano par opposition au violon). À ces études s'attachent les noms de Zarlino, Bach, Rameau et de physiciens tels Sauveur, Savart, Helmholtz. [1]

Le but de la manipulation que décrit la gravure ci-dessous, extraite de l'ouvrage [2] édité en 1891 (et trouvé dans une brocante à Forcalquier !), est de visualiser les vibrations sonores émises par un violon, afin d'en étudier les propriétés, en premier lieu la "hauteur".

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Un son "pur", émis sur une fréquence unique, se traduit graphiquement par une courbe en forme d'onde régulière : la sinusoïde. Mais un son pur paraît fade à l'oreille, dépourvu de timbre. Ce qui fait la richesse du timbre d'un instrument, et qui le caractérise, ce sont les harmoniques c'est-à-dire des vibrations dont les fréquences sont des multiples de celle du son fondamental. La présence des harmoniques déforme la sinusoïde qui représente le son pur. L'analyse harmonique s'attache à étudier l'amplitude (et la phase) des différentes fréquences présentes dans un son.
Leur représentation sous forme d'un graphique fréquence/amplitude s'appelle le spectre du signal sonore.

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 Le dispositif expérimental comporte un violon sous le chevalet duquel est placée une petite lame de laiton reliée à un fil métallique long et fin supporté par des anneaux de caoutchouc, l'autre extrémité du fil est soudée à un clinquant portant une plume qui s'appuie sur le cylindre enregistreur enduit de noir de fumée. Les vibrations du violon sont ainsi transmises jusqu'à la plume. Un diapason, muni également d'une plume sur l'une de ses branches, fournit une base de temps qui affranchit d'éventuelles irrégularités dans le mouvement de la manivelle tournée par l'opérateur. La comparaison des courbes produites par le diapason et par le violon permet de déterminer le rapport des fréquences et, celle du diapason étant connue, d'en déduire la hauteur de la note émise par le violon, et même, en examinant la forme de la courbe, d'évaluer les premiers harmoniques.

Mathématiquement, c'est la transformation de Fourier qui permet d'obtenir le spectre d'un signal périodique à partir de son expression temporelle. Aujourd'hui, avec les développements de l'électronique et de l'informatique, la numérisation des signaux musicaux et les algorithmes de transformée de Fourier rapide fournissent des outils puissants qui ouvrent de riches possibilités, mises en œuvre notamment par l'IRCAM (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique).

Premiers enregistrements musicaux !

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Voici la description de cet imposant dispositif d'enregistrement : Un cornet de grandes dimensions capte les fluctuations de pression engendrées par les vibrations des cordes du piano. À l'autre extrémité se trouve une membrane solidaire d'un style qui vient détacher un fin copeau sur un rouleau recouvert de cire. Les vibrations transmises au style se retrouvent dans les méandres du sillon gravé. Le rouleau est animé d'un mouvement de rotation et le style est entraîné en translation par une vis. La cire doit présenter des propriétés bien définies pour permettre ensuite la reproduction.

La restitution des sons s'obtient grâce à un fonctionnement inverse de l'appareil : une aiguille suit le sillon gravé sur le cylindre, ses vibrations excitent la membrane qui crée des fluctuations de pression acoustique transmises par l'air contenu dans des tuyaux jusqu'aux aux oreilles des auditeurs (au nombre de 6 avec l'appareil représenté ci-dessous, où les "écouteurs" ressemblent à ceux d'un stéthoscope). Un pavillon peut aussi s'adapter sur le dispositif de lecture, autorisant une écoute plus confortable. Un appareil de ce type est en démonstration au Musée des Arts et Métiers, à Paris.

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Plus tard viendront les disques 78 tours, d'abord en restitution purement acoustique sur les "phonos", puis successivement, les microsillons "vinyles" avec les électrophones munis d'amplificateurs électroniques, les magnétophones utilisés en analogique puis en numérique (DAT : Digital Audio Tape), les CD et les MD (Compact et mini-disque) et, aujourd'hui, les appareils qui enregistrent le signal numérisé directement sur des mémoires informatiques, disques durs ou cartes SD (Secure Digital).

Ainsi l'excellent petit enregistreur stéréo dont disposent les Rencontres Musicales (ZOOM H4N, publicité gratuite) numérise-t-il la musique au standard des disques CD : échantillonnage à 44,1 kHz (afin de disposer d'une bande passante qui couvre les performances de l'oreille humaine) et quantification sur 16 bits (ce qui donne un rapport signal/bruit très convenable, mais l'appareil permet de "monter" jusqu'à 96 kHz et 24 bits), et c'est beaucoup mieux que le MP3, très à la mode mais qui "compresse" le signal et l'appauvrit.

Ne nous moquons pas des dispositifs anciens : il a fallu beaucoup d'ingéniosité pour les mettre au point, ils ont contribué au progrès des connaissances et certains, plus que centenaires sont encore capables de fonctionner, mais la qualité sonore est bien loin de ce qu'on obtient aujourd'hui ! Cette longévité ne sera sans doute pas atteinte par les appareils actuels qui seront rapidement supplantés par de nouveaux modèles, posant à chaque innovation technologique la question de la conservation des enregistrements précédents.

 Références :

[1]  Histoire de l'acoustique musicale, Serge Donval, éditions Fuzeau, 2006, 221 pages.

[2]  Physique Populaire, Émile Desbeaux, Ernest Flammarion éditeur, 1891, 835 pages,

      Ouvrage couronné par l'Académie Française. 

 Ansi la pluie... (2016)

Compte-rendu d'une "rando particulière" : 29 mai 2016.         

Jean-François Queyras

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Sixième concert-randonnée des Rencontres Musicales de Haute Provence :

« AINSI LA PLUIE... »

En paraphrasant Henri Dutilleux (Ainsi la nuit...), je voudrais évoquer ce sixième concert-randonnée qui, au vu des circonstances météorologiques particulières, a pris une tournure aussi singulière qu’inattendue...

 Adieu la longue et minutieuse préparation qu’avec Hubert et Geneviève Blond nous avions effectuée sur trois journées en arpentant sentiers et piste de la Montagne de Lure. Il risque de pleuvoir !

 Trois jours : Une première journée avec la découverte d’un magnifique parcours qui, à terme, se révèle trop long et trop ardu. Une deuxième recherche pour trouver une meilleure voie de descente nous amène dans une combe infernale pentue, glissante, bardée de branches et de troncs tombés. Impraticable. Et une troisième avec, enfin, le chemin idéal, agréable et équilibré.

 Adieu cette belle voie, la pluie arrive !

 Adieu les deux lieux magiques prévus pour les moments de musique, le premier face à une vaste vue des Alpes à la Durance, l’autre dans l’intimité d’un hêtre séculaire. Deux endroits pas faciles d’accès.  Oui, adieu, il va pleuvoir !

 Les prévisions météorologiques sont exécrables. Pas question de risquer la moindre averse sur les quatre violoncelles de la ballade de la balade ! Une solution de repli doit être trouvée.

 Mercredi 25 : Station de Lure. Nous demandons à Audrey de la Sauvagine si nous pouvons nous réfugier dans son restaurant. À cause de sa clientèle habituelle des dimanches, elle est un peu réticente et nous suggère de demander à la Communauté de communes l’usage du « Caillou », ce nouveau bâtiment construit pour l’accueil des randonneurs, skieurs et lugeurs. Retour immédiat par Charembeau pour rencontrer André Berger vice-président de la Comcom qui nous donne un accord de principe confirmé le lendemain par Fanny Planche chargée à la Comcom de la gestion du « Caillou ».

 Jeudi 26 : Remontée à la station. Visite des lieux, heureuse surprise. Récupération de la clef et du code d’accès.

 Samedi 28 : À nouveau à la station. Aménagement de la salle, prévisions de la journée et reconnaissance de deux parcours pédestres possibles pour le cas où la météo permettrait un moment de marche... Tout reste au conditionnel. Nous renonçons au parcours initial. Maintenant il faut qu’il pleuve sinon personne n’y comprendra rien.

 La nuit est agitée. Je me lève à trois heures... Ouf, il pleut !!!

 Dimanche 29 : Il pleuviote. Au sommet de Lure, un épais brouillard étouffe le paysage. À part sept absents, sans doute effrayés par le temps, les inscrits, dirigés directement vers la Station de Lure, sont tous là, interrogatifs mais confiants. Heureuse découverte du « Caillou » intérieurement séduisant mais dont l’architecture extérieure est quelque peu desservie par une couleur de crépi peu avenante... !!! Heureusement il est sombre sinon, dans le brouillard, on risquait de ne pas le trouver !

 Premier moment de musique : La salle est très claire. Les grandes baies vitrées ne nous révèlent que le brouillard et un rideau de pluie. Mais tout se concentre. Boismortier, Fauré, Haydn, Bloch, Haendel, Grieg, Strauss... Le son, la proximité avec les musiciens, la diversité du programme, l’intensité de l’interprétation, la simplicité, l’humour, la décontraction, les chaises musicales et l’émotion aussi, intense... tout concourt à la magie de ces instants exceptionnels. Nous sommes tous pris. La concentration est extrême, les visages rayonnants.

 Il pleut encore ! Pas question d’aller marcher pour le moment. Avec Véronique Marin, Diana Ligeti, Raphaël Perraud, et Michaël Tafforeau, nous amorçons un échange spontané. Nos quatre musiciens, en se présentant évoquent leur activité pédagogique, la formation qu’ils ont reçue, celle qu’ils essaient, en tant que professeurs, de mettre en pratique : technique, artistique, psychologique, humaine simplement... Suite à une question de Bertrand, c’est l’histoire de leurs instruments qui nous est contée, la relation avec ce compagnon de tous les jours qui est bien plus qu’un simple outil. Passionnant, révélateur. Nous percevons ce qu’est leur vie dans toute sa diversité comme interprètes, pédagogues, artistes, femmes et hommes vivants et attentifs. Et l’échange est conclu par Michaël qui nous offre un incroyable tour de magie dont il a le secret.

 Quoi qu’il arrive, la journée est gagnée. Quelque chose est passé que nous n’oublierons pas.

 Pique-nique à la Sauvagine, à l’abri. Une façon de remercier Audray qui nous a orientés vers ce lieu qui se révèle idéal pour ce genre d’échanges.

 Deuxième moment de musique : d’Offenbach à Carmen de Bizet en passant par Tortelier, Popper et des ragtimes, le miracle continue à tel point que les nuages commencent à s’alléger et vont permettre à ceux qui le souhaitent, une bonne marche, partie intégrante de cette journée aussi aléatoire qu’inattendue qui s’achèvera autour de quelques biscuits et d’un verre de jus de pommes.

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 « Ainsi la pluie ».

Elle nous a amenés à ouvrir des perspectives qui peuvent se révéler utiles pour les années à venir... De quoi réfléchir.

 Merci la pluie, diront certains !                             

 Un conte sur le public de Salagon. (2016)

Le thème des Rencontres étant placé cette année sous le signe du conte, du récit, je me suis permis cette petite histoire.

Pierre Rey.

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Comme chaque soir de cette dernière semaine de juillet, les amoureux des
Rencontres commencent à s'aligner devant la porte fermée de la salle de concert. Les premiers sont là deux heures avant le début prévu, ils espèrent trouver ainsi une place d'où ils seront confortables pour bien voir et bien entendre.

L'ambiance est bon enfant, beaucoup se connaissent, d'autres se retrouvent  d'année en année et on échange les derniers potins du coin, les dernières découvertes et les espoirs futurs.
Soudain, on entend, venant de derrière la porte toujours fermée, une mélodie qui s'élève. Au début peu y prêtent attention, on pense que ce sont les musiciens qui  répètent.

 

Mais petit à petit la mélodie se fait plus orchestrée, la musique, bien que légèrement étouffée par la porte close, se fait plus ample, plus enlevée. Les gens se taisent les uns après les autres, quelques commentaires encore "on dirait du Boulez"- "c'est Ie coup d'archet de Jean-Guilhen" -"ce doit être les jeunes talents" puis le silence se fait et la cinquantaine de personnes présentes se laisse envahir, envoûtée par une musique magique qui semble venue d'ailleurs. 

Les cordes, au moins un sextuor, entraînent la pensée dans un tourbillon de joie, la clarinette apporte son timbre chaud de la réflexion et la flûte traverse parfois tout cela pour nous élever vers des hauteurs inconnues. Le piano est le maître qui fait vivre et cohabiter I'ensemble.
Dans un majestueux accord final, la musique s'arrête laissant les auditeurs, malgré eux, dans un silence profond.

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C'est alors que la porte s'ouvre et que les premiers entrent dans la salle. Sur la scène six chaises avec leurs pupitres, deux pupitres en position haute, le piano est ouvert. Curieusement sur les chaises sont disposées des vêtements.

 Sur la chaise du premier violon, une belle écharpe de soie multicolore traîne jusqu'à terre ; déployée elle doit pouvoir couvrir six à huit chaises. Sur la chaise d'à côté une écharpe de laine bleue, plus courte. Sur celle d'après une veste polaire d'un bleu sombre un peu délavé.

Et ainsi de suite, sur le pupitre de la flûtiste est accroché un petit sac de sport vert foncé et sur la dernière chaise un pull jaune impérial roulé en boule. Sur un pupitre, une partition a été oubliée et on peut lire le titre de l'oeuvre : "fantaisie pour foulards, écharpe et autres colifichets".

Une autre surprise attend les premiers entrants, sur les chaises des premiers rangs plus d'écharpe, plus de foulards de pulls ou de sacs. Tous sont sur la scène ayant suivi, à I'instar des enfants du flûtiste de Hamelin, les musiciens. Alors, les premiers peuvent prendre place dés les premiers rangs, récompensés ainsi de leur attente, puis chacun et chacune en fonction de son rang d'arrivée au concert.

Pierre Rey

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 "Tu me dois un pizzicato!"

Jean Guihen devant Pierre Boulez

Jean Guihen devant Pierre Boulez

Avec les géants, la première impression peut être physique.

Comme si l'on pouvait saisir l'aura d'une personne hyper charismatique.

J’avais ressenti cela lors de ma première rencontre avec Rostropovitch.

Il en fut de même avec Boulez, quelques années plus tard.


 Janvier 1990. Je prends l’avion de New York - où je termine mes études – à Paris pour passer l’audition d’entrée pour le poste vacant de violoncelliste à l'Ensemble InterContemporain.

Parvenu en finale, je me colle à l’ultime épreuve de lecture à vue : un extrait de la Sérénade op 29 de Schoenberg.

Pierre Boulez écoute ma première tentative, se lève, vient vers moi, me donne quelques instructions d'amélioration, et je rejoue l’extrait, cette fois sous sa direction.

Il se tient à deux mètres de moi, tenant la partition dans une main, dirigeant de l’autre.

Je ressenti dans ces premières 40 secondes de musique partagées avec Pierre ce dont j’allais faire l’expérience au cours des dix années suivantes passées au sein de son ensemble: une présence absolue, une calme intensité qui avaient le pouvoir de galvaniser ses interprètes, un feu intérieur qui lui permettait d’aller chercher au plus profond d’un instrumentiste le meilleur de lui-même, de se transcender.

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Au lendemain de cette audition (réussie, donc), mes parents reçurent une drôle de visite dans leur atelier de poterie en Provence.

Une petite dame énergique ouvrit la porte avec élan et déclara devant mes parents bouche bée: «Bonjour! Je suis la sœur de Pierre Boulez. Il me charge de voir d’où sort sa nouvelle recrue! "

Cette phrase fut le début d'une longue amitié entre eux.

Cette anecdote fut pour moi la première illustration d'une qualité non anecdotique de Boulez: Si le processus de création fut toujours au centre de sa vie, il se souciait néanmoins profondément et authentiquement de toutes les personnes impliquées autour de lui.

Il était à tout moment disponible, non seulement pour les questions au sujet de la musique, mais aussi lorsque l'un de ses musiciens avait des problèmes avec son instrument, sa santé ou autre.

Lorsque je dus m’arrêter de jouer pendant 6 mois suite à une blessure à la main, je reçu ses lettres ou coups de fil à intervalles réguliers, posant des questions sur l'évolution de ma santé, si j’avais les médecins qu’il me fallait, ou si autre chose pouvait être fait pour m’aider…

Tout a été dit sur son oreille légendaire. l entendait tout dans les musiques les plus complexes.

Un an après avoir rejoint l'Ensemble, nous donnions des concerts à Badenweiler, dans une série organisée par son ami Klaus Lauer. Au programme notamment la même Suite op 29 de Schoenberg mentionnée plus haut.

A la répétition générale, le jour du concert, je manque une entrée et ne joue pas une note «pizzicato» (sans archet), dans un passage complexe où de nombreux sons se mélangeaient. J’espérais donc que cela passerait inaperçu.

Pierre n’interrompit pas.Mais deux heures plus tard, lorsque je le rencontrai par hasard dans le couloir, il me saisit par le bras et me dit d’un air rieur: «Tu me dois encore un pizzicato !" 

Mon tout premier plongeon dans l’univers du compositeur Boulez fut intense et sans préliminaires.Après quelques nuits blanches passées à apprendre ma partie (je ne n'avais jamais joué quelque-chose d’aussi difficile), je descendis dans les sous-sol de l'IRCAM, pour rejoindre dans l’Espace de Projection une trentaine de musiciens entourés d’un impressionnant dispositif électronique. Mon expérience initiatique au sein de l’EIC se fit donc dans l’univers génial et psychédélique de Répons.

 La densité de cette musique, si intense, complexe, aux innombrables couches, me fit l’effet d’un tremblement de terre.Je ne pouvais pas à proprement parler «comprendre» ce qui se passait autour de moi, mais je me sentais en confiance, emporté par quelque chose d'unique, fort et révolutionnaire.

Ce fut mon « instant Bateau-îvre». Peut on vraiment «comprendre» le chef-d'œuvre de Rimbaud? Et pourtant, la force évocatrice et la physique du langage nous mènent vers de nouveaux territoires dans un flux irrésistible.

 Je découvris plus tard, peu à peu, en m’intéressant plus en profondeur à son langage musical, à quel point le génie de Pierre Boulez devait certes beaucoup à une force d’esprit hors du commun, mais reposait également sur les fondements d’une patience et d’un dévouement quotidien au travail, une construction pierre à pierre de l’édifice, à l’instar d’un Bach ou d’un Beethoven.

  Je garde de mes 10 ans au contact quasi quotidien de Pierre le souvenir d’une chaleur humaine, d’une grande fidélité, d’une authenticité basée sur une constance et sur le dévouement à un idéal.

Et je retiens que, si l’on veut voir loin ou grand, il faut avancer pas à pas, un pizzicato à la fois.

 Jean Guihen QUEYRAS

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Jean-Guihen Queyras, la parole est au violoncelle

Emmanuelle GIULIANI, dans La Croix du 30 octobre 2014.

De Beethoven aux traditions musicales de la Méditerranée, le violoncelliste est toujours en quête d’aventures artistiques et de rencontres nouvelles

Le violoncelliste Jean-Guihen Queyras participera bientôt à une tournée avec l’Orchestre de Philadelphie.

Le violoncelliste Jean-Guihen Queyras participera bientôt à une tournée avec l’Orchestre de Philadelphie.


« Je revendique le fait d’être influençable ! »
 Voilà une maxime qui met à mal le cliché répandu (et pas toujours infondé) selon lequel l’artiste est un être égotiste et jaloux de ses prérogatives. Le violoncelliste Jean-Guihen Queyras aime au contraire se frotter aux autres, discuter, débattre même, et voir ainsi évoluer sa conception des œuvres et de l’interprétation musicale.

« Au début, le compagnonnage avec le pianiste Sacha (Alexander)Melnikov n’a pas toujours été facile. C’est un artiste radical, qui prend tous les risques. Cela m’a incité à changer beaucoup de choses dans mon jeu », raconte-t-il à propos du double CD Beethoven, une splendeur d’équilibre et d’expression, qu’ils publient ensemble chez Harmonia Mundi.

« Sacha n’y est pas allé de main morte pour défendre ses choix ! Et, de mon côté, je ne suis pas un tiède non plus  ! Les échanges ont été vigoureux, stimulants. Ces joutes de l’esprit vont très bien avec la musique de Beethoven et ses géniales sautes d’humeur... »

GRAND RÉPERTOIRE ET ŒUVRES MOINS ACADÉMIQUES

Artiste hautement estimé de ses pairs, Jean-Guihen Queyras se sent aussi à l’aise dans le grand répertoire pour violoncelle (on lui doit, par exemple, des Suites de Bach apolliniennes) qu’enclin aux aventures moins académiques, mais tout aussi exigeantes et raffinées.

Complice de longue date des frères Chemirani, virtuoses des percussions iraniennes, et du guitariste grec Sokratis Sinopoulos, il explore en leur compagnie les musiques traditionnelles de la Méditerranée, mises en regard avec des pièces contemporaines.

« Depuis mon plus jeune âge, je suis fasciné par les percussions. Elles m’attiraient autant que le violoncelle. Et puis, enfant, j’ai vécu trois ans en Algérie : la magie des correspondances intimes entre la langue et la création sonore me touche particulièrement. »

Pour Jean-Guihen Queyras, cette rencontre en musique entre les peuples prend tout son sens dans le contexte international actuel où les conflits les plus atroces laissent douter de la capacité des hommes à s’entendre.« Sans se bercer d’illusions, les musiciens ont un rôle à tenir dans la vie sociale et citoyenne. Nous sommes confrontés aux mêmes défis que tout un chacun, avec la chance, c’est vrai, de travailler dans un univers d’art et de beauté. »

EN TOURNÉE AVEC L’ORCHESTRE DE PHILADELPHIE

Installé avec sa famille en Allemagne, l’artiste quitte souvent son pays d’adoption (il donne alors volontiers ses rendez-vous dans les gares) pour sillonner l’Europe et au-delà : il va notamment participer à une tournée avec l’Orchestre de Philadelphie sous la direction de son chef, le Québécois charismatique Yannick Nézet-Séguin. Leur route passera par le mythique Carnegie Hall de New York !

Le 23 novembre, il fera par ailleurs une halte très attendue dans le tout nouvel auditorium parisien de Radio France, lors de la Carte blanche offerte au compositeur Péter Eötvös dont il interprétera le concerto pour violoncelle.

« Une partition qui installe une relation au temps vraiment intéressante. Il le déstructure puis reprend l’élan, s’égare à nouveau... mais, finalement, pour nous ancrer de manière saisissante dans l’‘‘ici et maintenant’’ », analyse le musicien.

« SE PROTÉGER DE L’URGENCE ET DE L’IMMÉDIATETÉ »

Jean-Guihen Queyras met sa pertinence à décoder l’univers des créateurs au service des jeunes interprètes. « Il faut trouver les mots pour aider les élèves à pénétrer dans le laboratoire des compositeurs. Pourquoi Schumann a-t-il placé ici cet accord plutôt que celui-là  ? Pourquoi, soudain, cette rupture rythmique dans cette page de Brahms ? Formuler de telles questions m’aide à reconsidérer mes propres réponses... »

Pourtant, le pédagogue a décidé de s’offrir une année sabbatique :« Après treize ans d’enseignement, sans interruption, je sens le besoin de m’octroyer une pause. Ne serait-ce que pour retrouver un peu de temps pour les enfants, la lecture, le sport... ou tout bêtement pour ne rien faire ! »

Lui qui s’avoue tellement moins organisé que son grand ami le pianiste Alexandre Tharaud, reconnaît chercher désormais à « se protéger de l’urgence et de l’immédiateté ». Grisantes, certes, mais menaçantes aussi.

Son inspiration : Beethoven, compagnon d’enfance

« Un des premiers disques qui m’ont marqué concernait précisément les Sonates pour violoncelle et piano de Beethoven que nous venons d’enregistrer avec Alexandre Melnikov (1), se souvient Jean-Guihen Queyras. Je revois la pochette avec le profil de Pablo Casals fumant la pipe... Le pianiste était Rudolf Serkin... » Ces œuvres ont ensuite accompagné l’apprentissage du jeune violoncelliste  : « Je les aime toutes mais j’avoue un gros coup de cœur pour l’opus 69 en la majeur. C’est une œuvre absolument parfaite par son lyrisme émouvant et le rôle plein et entier qu’elle donne au violoncelle. » Jean-Guihen Queyras est heureux et honoré de jouer en janvier prochain dans la maison de Beethoven à Bonn,« sur le violoncelle que le compositeur avait chez lui. Il a été retrouvé en Israël et mis à disposition de la Beethoven-Haus ».

Emmanuelle GIULIANI

 à Salagon, mardi 27 juillet 2016.

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Juste un mot sur cette soirée extraordinaire :

Après le premier mouvement de la sonate de Brahms, jouée par Jean-Guihen Queyras et Alexandre Tharaud, une confidence chuchotée :

"Je ne l'ai jamais entendue aussi bien jouée !"

(le compositeur Gilbert Amy à son voisin de chaise Jean-François Queyras).

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